Une messe traduite en direct pour les sourds à l’église de la Sainte-Famille à Woluwe
L’équipe de bénévoles de Signes de Foi traduit en langue des signes, chaque premier dimanche du mois, la seule messe accessible aux sourds et aux malentendants de la capitale. Rencontre avec Pierre François, l’un des responsables.
À 82 ans, Pierre François tient à aller régulièrement aux messes de sa paroisse. Mais pour cet habitant de Woluwe-Saint-Lambert, ce choix n’est pas toujours facile. « A 35 ans, mon ouïe a été totalement perdue J’ai un appareil auditif, sans lui, je n’entends plus. »
Pierre François est impliqué depuis toujours dans la cause des sourds. « Mes parents et mes deux frères étaient sourds profonds. Pendant longtemps j’ai été le seul entendant de la famille. », raconte-t-il. Membre actif au Foyer des sourds et des malentendants, il avait l’habitude d’assister aux offices de l’aumônier du foyer. Mais quand, il y a une vingtaine d’années, ce dernier part et n’est pas remplacé, les fidèles comme Pierre François sont pris au dépourvu.
Une église équipée spécialement
C’est alors que plusieurs décident de fonder le mouvement Signes de Foi et de proposer, tous les premiers dimanches du mois à l’église de la Sainte-Famille à Woluwe-Saint-Lambert, un office traduit en langue des signes. Pierre François y participe, avec d’autres volontaires. L’assistance n’est pas toujours nombreuse, mais ce qui compte, c’est d’aider. « Dimanche dernier, il y avait six personnes et quatre autres de l’équipe.»
Ce lieu de culte est équipé d’une boucle d’induction magnétique qui permet au pensionné de bien entendre avec son appareil auditif. « C’est la première église de la Région à avoir installé une boude magnétique. Nous leur avions demandé et ils l’ont fait très volontiers. C’est une simple boucle qui fait le tour de l’endroit où la personne veut entendre. Ce n’est malheureusement pas encore très répandu en Belgique », explique Pierre François. Trois autres églises en sont désormais équipées, la chapelle Œcuménique de l’UCL, l’église Saint-Lambert, et Notre-Dame du Sacré-cœur à Etterbeek.
Mais ce dispositif ne fonctionne que pour les malentendants, si tant est que leur appareil auditif est compatible. Pour les autres, les bénévoles se chargent de traduire en direct les paroles du prêtre en langue des signes. Un exercice difficile. «Pour traduire le langage ecclésiastique, il faut bien s’y connaître. Nous avons travaillé cinq ans pour établir ce lexique religieux, inventer certains signes qui n’existaient pas», explique Pierre François en montrant fièrement le petit livret de 400 signes auquel il a participé. Sourire aux lèvres, l’homme est bien décidé à poursuivre son action. ∎
MARIE HAMONEAU
Intégration
«Trouver de la richesse dans son handicap»
Pierre François est fortement engagé dans la cause des sourds et des malentendants. «Je pense que la surdité n’est pas encore assez bien reconnue. Les sourds en sont les premières victimes, mais aussi les premiers fautifs. Il y a comme une gêne. Les gens ne veulent pas qu’on remarque leur appareil auditif, ils n’assument pas toujours de dire qu’ils entendent mal. » Un problème que notre homme a parfois du mal à comprendre, quand ceux qui voient mal, eux, n’hésitent pas à sortir leurs lunettes. « L’ouïe est un sens comme un autre. Mais c’est vrai que dans un monde de la communication comme le nôtre, c’est un handicap qui peut être très lourd à porter. »
Pourtant, le nombre de personnes malentendantes pourrait être bien plus élevé qu’on ne le croit. « Les gens ne font pas attention au bruit. Pour moi qui ai souffert de ça, ça me fait mal au cœur.»
Pierre François souhaite que cette attitude change : « J’aimerais dire aux gens que la surdité pourrait les atteindre et que si c’est le cas, il ne faut pas en avoir honte. Il faut essayer de trouver de la richesse dans son handicap. » Par ailleurs, il espère que le succès du film mettant en scène des sourds, «La famille Bélier», qui l’a par ailleurs « bouleversé », aide à la compréhension de la surdité par le grand public. ∎